
Depuis des milliers d’années, les boissons et les aliments fermentés sont des produits de base dans de nombreuses cultures du monde entier. En plus de préserver les aliments et d’ajouter de la saveur, la fermentation confère aux aliments une valeur nutritive supplémentaire et des propriétés médicinales. Les aliments fermentés étaient traditionnellement connus pour agir sur nos sens et ils sont la principale source de nutriments psychorégulateurs, offrant de précieux avantages pour la santé cognitive et l’état de santé générale. Nos ancêtres connaissaient les effets bénéfiques des aliments fermentés sur le corps, incluant la fonction mentale et le bien-être. Même le mot ‘’kéfir’’ provient d’un mot turc signifiant « bon sentiment ». Alors que notre régime alimentaire a radicalement changé et que nous ne consommons plus d’aliments traditionnels, comme les aliments fermentés, les troubles de santé mentale, considérés comme une anomalie dans les communautés ancestrales, ont par contre atteint des niveaux sans précédent (1).
Nous pensons souvent aux aliments fermentés et à leurs avantages pour la santé intestinale et un nombre croissant de recherches mettent en évidence le lien entre l’intestin et le cerveau. De plus en plus d’études supposent que des altérations au microbiome intestinal pourraient jouer un rôle physiopathologique clé dans les maladies touchant de près ou de loin au cerveau humain, notamment l’autisme, l’anxiété, la dépression et la douleur chronique (2). De nouvelles études ont montré que dans certaines conditions de santé mentale, la barrière intestinale pourrait être compromise. En effet cette dernière pourrait probablement être endommagée par le stress ou par les changements de régimes alimentaires, en passant d’un régime traditionnel à un régime occidental riche en graisses et en sucre mais pauvre en aliments nutritifs – créant ainsi une paroi intestinale plus poreuse et probablement un microbiome inflammé (1). Il existe un système complexe de communication et de signalisation qui relie notre système nerveux central (qui comprend l’encéphale et la moëlle épinière) et notre système nerveux entérique (qui contrôle le système digestif) connu sous le nom d’axe cerveau-intestin. Le microbiome intestinal joue un rôle essentiel dans la régulation du fonctionnement normal de cet axe. Il existe de nombreux mécanismes susceptibles d’influencer l’activité cérébrale par le microbiome, notamment: la production de molécules de signalisation (métabolites des acides aminés, acides gras à chaîne courte et substances neuroactives), la production de neurotransmetteurs (dont les déséquilibres sont liés à la dépression), l’activation des voies neurales et la limitation de la réponse inflammatoire qui est liée à de nombreux troubles nerveux, de l’autisme à la dépression.
Les régimes traditionnels riches en aliments fermentés, possédant des propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires, offraient des effets neuroprotecteurs qui contribuaient au maintien des fonctions cognitives. Par exemple, ils augmentaient la qualité des protéines et la biodisponibilité des vitamines B (qui régulent l’humeur), de la vitamine D, du magnésium et du zinc. Ils fournissaient une forte protection antioxydante et ils produisaient des composés comme le neurotransmetteur calmant GABA dont son faible taux ou son ralentissement est associé à une pauvre santé mentale (1).
Il existe de plus en plus de preuves montrant à quel point la consommation régulière d’aliments fermentés peut avoir des effets bénéfiques sur la santé mentale, ce que savait, depuis longtemps, nos ancêtres. Par exemple, une étude montre comment la consommation de lait de soja fermenté améliorait l’apprentissage et la mémoire. Une autre montre qu’une consommation importante de tempeh avait un impact positif sur la mémoire. D’autres études ont lié la consommation d’aliments fermentés à une amélioration de l’humeur et des fonctions cognitives (1). Une autre étude montre que la consommation d’un produit laitier fermenté pendant quatre semaines avait une incidence sur l’activité de certaines régions cérébrales contrôlant les émotions et les sensations (3). Consommer des plantes et des aliments fermentés peut aider à rétablir un microbiome en bonne santé, à normaliser l’axe cerveau-intestin et à optimiser la santé mentale.
La consommation d’aliments fermentés, riches en bactéries bénéfiques, peut aider à regénérer le microbiome et à réduire la perméabilité intestinale. La fermentation module les constituants chimiques des aliments et des plantes en améliorant leur activité et leur biodisponibilité. Un certain nombre d’études ont indiqué que le processus de fermentation a enrichi les peptides bioactifs et a créé des composés phytochimiques susceptibles d’accroître leurs effets neuroprotecteurs (4). La fermentation augmente également la biodisponibilité et module la libération de neurotransmetteurs tels que le BDNF (facteur neurotrophique dérivé du cerveau), le GABA et la sérotonine, impliqués dans l’apprentissage et la mémoire (4).
Revenir à une consommation ancestrale d’aliments fermentés pourrait constituer une intervention efficace contre les troubles mentaux. Les régimes alimentaires traditionnels contiennent de nombreux aliments et plantes qui, lorsqu’ils sont fermentés, offrent d’excellents bienfaits pour la santé mentale et cognitive. L’une des plantes les plus efficaces pour le cerveau est le basilic sacré. Il contient des composés qui équilibrent les hormones du stress et qui soutiennent les systèmes nerveux et immunitaire. Des études ont montré qu’il diminue les niveaux d’hormones liées au stress, en particulier la corticostérone, dont la réduction améliore le fonctionnement cognitif. Le champignon hydne hérisson soutient également la fonction cérébrale en stimulant la production du facteur de croissance nerveuse (NGF) qui aide à maintenir les neurones, cellules du cerveau, responsables pour nous aider à traiter et à transmettre les informations, en facilitant, ainsi l’apprentissage et la mémoire. Des aliments et des plantes, traditionnellement consommés, comme le basilic sacré, le Gotu kola, le curcuma et le thé vert, sont gorgés d’antioxydants et sont très prometteurs pour soutenir la santé cognitive. Et leur biodisponibilité, accrue par la fermentation, pourrait être un facteur important pour suggérer ces aliments et ces plantes comme médicament (1).
La fermentation présente des avantages substantiels pour la santé cognitive: par une activité antioxydante et anti-inflammatoire majorée, par la réduction de la perméabilité intestinale, par son influence positive sur les statuts nutritifs et par la production de GABA et de quelques autres substances chimiques bioactives (1). Nous commençons, à peine, à comprendre la relation entre le microbiome et la santé du cerveau, mais les aliments fermentés peuvent être un maillon essentiel de l’axe intestin-cerveau et de la santé cognitive en général.
References
3: Tillisch K, Labus J, Kilpatrick L, et al. Consumption of Fermented Milk Product With Probiotic Modulates Brain Activity. Gastroenterology. 2013;144(7):10.1053/j.gastro.2013.02.043. doi:10.1053/j.gastro.2013.02.043.
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3839572/
4: Kim B, Hong VM, Yang J, et al. A Review of Fermented Foods with Beneficial Effects on Brain and Cognitive Function. Preventive Nutrition and Food Science. 2016;21(4):297-309. doi:10.3746/pnf.2016.21.4.297.
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5216880/#b87-pnfs-21-297